Juillet s'annonce, les concerts s'en vont, les scènes se désertifient,
les caves se vident, les plaines à festivals se remplissent… Le monde
de la ville gagne la campagne espérant secrètement pouvoir
dire à la rentrée, « J'y étais » devant
les pauvres malheureux empêchés d'avoir pu associer leur nom
à ceux des rencontres prestigieuses de Glastonbury, Dour, Sziget,
Wacken, Berg Herzberg etc. Et pourtant, la vie souterraine continue, les
campagnes si attirantes qu'elles puissent être, ne sont que des campagnes
et y trouver une cave pour se protéger de la pluie relève de
l'exploit ! Qui plus est une cave avec du courant, un bar, des jolies jeune
filles et des groupes faisant dans un rock sans fioritures pour empêcher
de discuter. Et bien, c'est possible et c'est au Biplan à Lille.
Et oui, festivaliers d'été, les nuits de juillet sont chaudes
dans ce haut lieu de la culture lilloise et pour inaugurer cette période
dite creuse (tellement creuse qu'il n'y a plus de voitures au centre de Lille),
les québécois d'EXTERIO et nos voisins GINGERBREAD
de Saint-Laurent (pas le fleuve, mais la ville en territoire atrébate),
étaient venus marquer ce nouveau territoire à coup de grand
giclées de décibels contre les murs de briques de la cave.
Bémol cependant, cette soirée sonnait la fin d'une tournée
des deux groupes sur le continent européen avant un saut chez la perfide
Albion pour deux concerts qui moucheront très certainement nos voisins
au gouvernement belliciste.
Honneur aux canadiens francophones ! EXTERIO attaque très fort
avec rock français pour ce qui est du chant et des mélodies,
charpenté sur un métal bien lourd aux riffs souvent collants
malgré des guitares parfois aériennes destinées à
tromper l'ennemi. Ajoutez à cela des emprunts aux keupons pour doper
ses morceaux ! Le chant en français canadien surprend au premier
abord par ses accents un peu pop qui contrastent souvent avec la lourdeur
des riffs. Mais on s'habitue très vite surtout que ce fut l'occasion
d'apprendre du québécois, sans doute pas ce qui se fait de
mieux mais du québécois quand même, hein les grosses
bitches et les grosses tanches ! Les présents reconnaîtront,
les linguistes également et les futés aussi ! Ne s'en tenant
pas là, ni aux vannes québécoises, leur jeu de scène
malgré l'exiguïté de l'alcôve du Biplan fut loin
d'être statique ; à droite, le guitariste, sorte de grand échalas
ne sachant pas trop quoi faire de ses longs membres, les secouant dans tous
les sens, à gauche, un bassiste sautillant, type kangourou / FredK
de LABO et au milieu, l'homme du chant coincé entre le pied
de micro et les deux acolytes envahissant. Au fond, à l'image d'une
chambre meublée avec goût, une armoire à glace frappant
sauvagement la pauvre batterie des GINGERBREAD ! Du bon rock comme
on aime en entendre.
cliquer sur l'image - click on the pic
Quinze minutes de pause, à peine l'occasion de tailler le bout de
gras avec ses voisines qui s'étanchent avec de la blanche, et les GINGERBREAD
gravissent (l'immense scène) se casant avec difficulté, le
guitariste frôlant constamment le plafond. Pas de problème,
les amplis sont chauds et la batterie résonne encore des coups furieux
du rugbyman qui l'a cognée quelques minutes auparavant. Les arrageois
de GINGERBREAD font dans le même ton qu'EXTERIO, mais
pas dans la même gamme. Autant EXTERIO développe des
mélodies agréables presque popisantes sur un métal parfois
bourrin (terme absolument pas péjoratif) aux riffs bien gras et répétitifs,
autant GINGERBREAD fait la même chose mais avec un son beaucoup
plus rock, voire punk rock. Un délice pour les oreilles, ces riffs
qui font sauter les bouchons de cérumen ! C'est efficace et les morceaux
chantés dans un anglais très compréhensible passent
sans problème, surtout qu'ils s'accompagnent de refrains qui se collent
facilement dans la tête. Parfois, un coup de gratte rappelle quelqu'un,
une intro, un morceau, mais ces accroches à des titres plus connus
ne nuisent absolument pas à leur musique et permettent au contraire
de capter l'attention et de se raccrocher à quelque chose de rassurant.
Emotion, énergie, six cordes électrisantes, quatre cordes vrombissante,
batteur hors pair et puissance scénique malgré l'encombrement
de la scène, voilà qui caractérise GINGERBREAD
, un groupe dont la musique interpelle même si on est pas fan du genre.
D'ailleurs, les EXTERIO ne devaient pas l'être ou étaient
jaloux, car durant le final, ils s'en prirent joyeusement à la batterie,
la démontant presque complètement. Mais on n'arrête pas
si facilement de fiers Atrébates dont les ancêtres ont résisté
à César.
cliquer sur l'image - click on the pic
Frédéric Loridant
Juillet 2003
Frédéric Loridant
©2003