69 année érotique, sans doute. Trente-quatre années
déjà nous séparent du tube de GAINSBOURG. Depuis
de la musique a coulé des amplis et on est avec 69, loin du
69 année érotique du grand Serge. Le 69 qui ouvrit le
bal du Grand Mix ce dimanche 8 juin à 18h30, n'a rien d'une formation
rock classique : deux batteries, deux cuivres et deux basses ! En additionnant,
on obtient le chiffre 6, reste à trouver le 9 ! Neuf, leur son l'est.
Leur musique est à mil lieues de ce que l'on écoute habituellement.
Est ce du rock ? Sans doute, les lignes de basse rappellent parfois le jeu
d'un Yannick Top, les cuivres, des intonations d'un Nik Turner
ou d'un Niels van Hoornblower, restent les batteurs qui font parfois
dans un expérimental étonnant en grattant la peau des toms
avec des cymbales par exemple ! A se demander s'il ne montent pas des peaux
non tannées ! Et quel jeu ! Impossible de suivre du regard les baguettes
maniées précisément avec puissance, rapidité
et souplesse ! Quelle complicité aussi ! Les deux batteurs se faisant
face, ce n'était plus à un concert classique que l'on assistait
mais à une véritable discussion faite de roulements, de caisses
claires qui claquent ou de chuintements de cymbales. Les autre ? c'était
pareil. La trompette discourait avec le sax pendant que les basses avaient
des échanges de haut vol. On aurait pu penser à un capharnaüm
sonique sans queue ni tête mais au contraire, toutes ces discussions
s'accordaient et donnaient au final une musique multi-forme, éclatée,
cubiste sans doute, fauve sûr.
Un seul morceau fut joué mais
il dura plus de 45mm durant lesquelles on passa du ravissement à l'énervement,
de l'incompréhension à la limpidité et du calme au réveil
brutal. Jamais nihiliste, toujours baroque dans la richesse, on accroche
ou on accroche pas mais ce 69 ne laisse pas indifférent.
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Une balance plus tard et voilà les The EX sur une scène
plus dépouillée, qui arrivent. En fait des The EX, il
n'y en a qu'un qui vient nous présenter leur camarade poète.
qui reta seul sur scène et proposa au public de déclamer 4
poèmes sonores relatifs à 4 évènements de l'année
1999. Et nous voilà transformé en auditeur attentif, tous plus
sages les uns que les autres devant cette frêle silhouette en costume
strict mais chaussée de pompes sport wear, modèle à
la mode. Tous commence normalement pour un poème, mais la normalité
n'a ici qu'un temps : une boucle technoïde lancinante s'installe, tourne
sans fin seulement interrompu à intervalles réguliers par un
refrain politisé (Irak, Chirac, Albanais….). Dessus s'installe le
poète et ses déclamations qui tiennent dans la lecture mots
par mots, sigles par sigles, d'un ticket de caisse d'Auchan Péronne
par exemple. Mariage plus que réussi entre la monotonie volontaire
de la verve poétique et la poétique boîte à
rythme, la salle entière était focalisée, œils et oreilles,
sur cette scène emplie de poésie sonore.
Les 4 poèmes
achevés, la littérature musicale laissa place au 5 The EX
. Avec à la batterie, KATHERINA, au violoncelle, la nouvelle
venue, ROZEMARIE, TERRIE et ANDY aux guitares et G.W.SOK au chant. The
EX a une bonne vingtaine d'années d'existence et malgré
le temps qui passe et le fait qu'on a pas vingt ans tout le temps, j'ai rarement
vu un groupe aux guitares déchirées, furieuses et monstrueuses,
une batteuse au look mère de famille, frappant si vite ses toms, une
violoncelliste qui non contente de donner vie aux notes, allait les chercher
jusque dans la caisse ! Et parlons en de des caisses, celle de la violoncelle
a perdu l'éclat de son vernis faisant saillir les veines du bois!
Quant aux guitares, les plastiques protecteurs ont disparu, la peinture,
les boutons des potars aussi. Un système de pinces maintient le manche
sur l'une, le bois brut usé apparaît partout et le chrome des
micros a perdu de son éclat laissant place à des surfaces bosselées…
Après un pareil traitement, on n'en donnerait pas 1€ de ces grattes
venues d'un marché aux puces miteux ! Et pourtant quel son, Que de
trouvailles soniques. Il est vrai que de jouer avec un tournevis peut donner
des idées nouvelles, mais même avec les doigts, ils arrachent
à ces vieilles caisses, des trucs étonnants venus de nulle part
ailleurs que de leurs tripes ! Fabuleux, incroyable, entre deux temps calmes,
les accélérations, toujours en binômes avec des sonorités
forts différentes, voire des harmonies opposées, sont fulgurantes
et nous clouent sur place ! Ce post punk tendance rallye n'est possible que
grâce aux rassurants tempos speedés de la section rythmique
féminine ! Le chanteur se ballade sans peine sur toute cette tintamarre
métallique contrôlée et surtout passionnante à
voir et à entendre et invite même en guest star sur un morceau,
le poète sonore de l'ouverture venu nous parler sur fond de post punk
révolutionnaire annonçant la fin du capitalisme, des bordereaux
administratifs que seul un fonctionnaire courtelinien peut comprendre...
Comme
le concert était trop court, 3 rappels furent nécessaires pour
calmer la foule d'esthètes en délire ! The EX joua notamment
une compo du groupe rock, KONONO, de la République du Congo
fortement colorée de riffs à la DEEP PURPLE traités
en boucle infinie de manière hypnotique. Plus loin dans les rappels,
un grattage de cordes tout aussi hypnotisant, à la façon
ALEX HARVEY BAND (The Faith Hailer), mis en transe un public subitement
décérébré à force de messages subliminaux
cachés dans les poèmes mécaniques sonores et les riffs
exaltés sur fond de roulements métronomiques. Avec le final,
j'ai eu l'explication de ce système bizarre et rouillé qui
maintenait la tête au manche d'une des guitares. A la dernière
note du dernier morceau, d'un élégant mouvement de bras, le
guitariste planta littéralement sa gratte dans la scène, côté
manche. A la longue, ça doit user... tout comme ce rouge qui nous a inondé tout le concert.
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Frédéric Loridant
juin 2003
Frédéric Loridant
©2003