Photorock


69
et
The EX


au
Le Grand Mix
Tourcoing, le 8 juin 2003

69 année érotique, sans doute. Trente-quatre années déjà nous séparent du tube de GAINSBOURG. Depuis de la musique a coulé des amplis et on est avec 69, loin du 69 année érotique du grand Serge. Le 69 qui ouvrit le bal du Grand Mix ce dimanche 8 juin à 18h30, n'a rien d'une formation rock classique : deux batteries, deux cuivres et deux basses ! En additionnant, on obtient le chiffre 6, reste à trouver le 9 ! Neuf, leur son l'est.

Leur musique est à mil lieues de ce que l'on écoute habituellement. Est ce du rock ? Sans doute, les lignes de basse rappellent parfois le jeu d'un Yannick Top, les cuivres, des intonations d'un Nik Turner ou d'un Niels van Hoornblower, restent les batteurs qui font parfois dans un expérimental étonnant en grattant la peau des toms avec des cymbales par exemple ! A se demander s'il ne montent pas des peaux non tannées ! Et quel jeu ! Impossible de suivre du regard les baguettes maniées précisément avec puissance, rapidité et souplesse ! Quelle complicité aussi ! Les deux batteurs se faisant face, ce n'était plus à un concert classique que l'on assistait mais à une véritable discussion faite de roulements, de caisses claires qui claquent ou de chuintements de cymbales. Les autre ? c'était pareil. La trompette discourait avec le sax pendant que les basses avaient des échanges de haut vol. On aurait pu penser à un capharnaüm sonique sans queue ni tête mais au contraire, toutes ces discussions s'accordaient et donnaient au final une musique multi-forme, éclatée, cubiste sans doute, fauve sûr.

Un seul morceau fut joué mais il dura plus de 45mm durant lesquelles on passa du ravissement à l'énervement, de l'incompréhension à la limpidité et du calme au réveil brutal. Jamais nihiliste, toujours baroque dans la richesse, on accroche ou on accroche pas mais ce 69 ne laisse pas indifférent.

cliquer sur l'image - click on the pic

69 69 69 69 69

69 69 69 69 69

69 69 69 69 69 69


Une balance plus tard et voilà les The EX sur une scène plus dépouillée, qui arrivent. En fait des The EX, il n'y en a qu'un qui vient nous présenter leur camarade poète. qui reta seul sur scène et proposa au public de déclamer 4 poèmes sonores relatifs à 4 évènements de l'année 1999. Et nous voilà transformé en auditeur attentif, tous plus sages les uns que les autres devant cette frêle silhouette en costume strict mais chaussée de pompes sport wear, modèle à la mode. Tous commence normalement pour un poème, mais la normalité n'a ici qu'un temps : une boucle technoïde lancinante s'installe, tourne sans fin seulement interrompu à intervalles réguliers par un refrain politisé (Irak, Chirac, Albanais….). Dessus s'installe le poète et ses déclamations qui tiennent dans la lecture mots par mots, sigles par sigles, d'un ticket de caisse d'Auchan Péronne par exemple. Mariage plus que réussi entre la monotonie volontaire de la verve poétique et la poétique boîte  à rythme, la salle entière était focalisée, œils et oreilles, sur cette scène emplie de poésie sonore.

Les 4 poèmes achevés, la littérature musicale laissa place au 5 The EX .  Avec à la batterie, KATHERINA, au violoncelle, la nouvelle venue, ROZEMARIE, TERRIE et ANDY aux guitares et G.W.SOK au chant. The EX a une bonne vingtaine d'années d'existence et malgré le temps qui passe et le fait qu'on a pas vingt ans tout le temps, j'ai rarement vu un groupe aux guitares déchirées, furieuses et monstrueuses, une batteuse au look mère de famille, frappant si vite ses toms, une violoncelliste qui non contente de donner vie aux notes, allait les chercher jusque dans la caisse ! Et parlons en de des caisses, celle de la violoncelle a perdu l'éclat de son vernis faisant saillir les veines du bois! Quant aux guitares, les plastiques protecteurs ont disparu, la peinture, les boutons des potars aussi. Un système de pinces maintient le manche sur l'une, le bois brut usé apparaît partout et le chrome des micros a perdu de son éclat laissant place à des surfaces bosselées… Après un pareil traitement, on n'en donnerait pas 1€ de ces grattes venues d'un marché aux puces miteux ! Et pourtant quel son, Que de trouvailles soniques. Il est vrai que de jouer avec un tournevis peut donner des idées nouvelles, mais même avec les doigts, ils arrachent à ces vieilles caisses, des trucs étonnants venus de nulle part ailleurs que de leurs tripes ! Fabuleux, incroyable, entre deux temps calmes, les accélérations, toujours en binômes avec des sonorités forts différentes, voire des harmonies opposées, sont fulgurantes et nous clouent sur place ! Ce post punk tendance rallye n'est possible que grâce aux rassurants tempos speedés de la section rythmique féminine ! Le chanteur se ballade sans peine sur toute cette tintamarre métallique contrôlée et surtout passionnante à voir et à entendre et invite même en guest star sur un morceau, le poète sonore de l'ouverture venu nous parler sur fond de post punk révolutionnaire annonçant la fin du capitalisme, des bordereaux administratifs que seul un fonctionnaire courtelinien peut comprendre...

Comme le concert était trop court, 3 rappels furent nécessaires pour calmer la foule d'esthètes en délire ! The EX joua notamment une compo du groupe rock, KONONO, de la République du Congo fortement colorée de riffs à la DEEP PURPLE traités en boucle infinie de manière hypnotique. Plus loin dans les rappels, un grattage de cordes tout aussi hypnotisant, à la façon ALEX HARVEY BAND (The Faith Hailer), mis en transe un public subitement décérébré à force de messages subliminaux cachés dans les poèmes mécaniques sonores et les riffs exaltés sur fond de roulements métronomiques. Avec le final, j'ai eu l'explication de ce système bizarre et rouillé qui maintenait la tête au manche d'une des guitares. A la dernière note du dernier morceau, d'un élégant mouvement de bras, le guitariste planta littéralement sa gratte dans la scène, côté manche. A la longue, ça doit user... tout comme ce rouge qui nous a inondé tout le concert.

cliquer sur l'image - click on the pic

The EX The EX The EX The EX

The EX The EX The EX The EX The EX

The EX The EX The EX The EX The EX

Frédéric Loridant
juin 2003

Frédéric Loridant ©2003